Il n’y a que vingt minutes de traversée en ferry entre Dakar et l’île de Gorée. Ici, c’est le calme (relatif toutefois) et la quiétude retrouvée à quelques encablures de la grouillante bruyante et insupportable capitale sénégalaise. Avec ses 900 mètres de long et ses 300 mètres de large, l’île, bordée de palmiers, se visite à pied en flânant dans les ruelles étroites entre ses maisons coloniales. Il faut dire que l'endroit est tendance. C'est le refuge des expatriés retraités, des sculpteurs, peintres en vue, gens du show-biz et aussi bobos d’ici ou d’ailleurs. C'est un peu l’île de Ré des dakarois.
Le poids du passé
La visite commence par la belle place du gouvernement qui fait face au débarcadère et accueille un marché improvisé d’artisanat et les terrasses des cafés.
De l’autre côté l’ancienne école normale William Ponty qui a eu plusieurs chef d’états d’Afrique francophone comme élèves : Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Madiko Keitia (Mali), Hamani Diori (Niger), Hubert Maga et Emile Zinzou (Bénin), Mamadou Dia (Sénégal).
De part et d’autre de la place, trois grandes bâtisses fatiguées par les ans : l’hôpital, le relais de l’Espadon et l’hôtel de ville (ancien palais du gouvernement). Non loin le musée de la mer qui présente pas moins de 1500 espèces de poissons que l’on trouve au large du Sénégal...
Toutes ces maisons portent le poids d’un passé, pas si lointain. C’est dans leurs caves qu’ont été entassés, battus, fouettés les esclaves. Au rez-de-chaussée et dans les étages vivaient les négriers dans le luxe le plus total.
En réalité, c’est au commerce de l’esclavage que l’île doit d’avoir été bâtie, occupée et défendue. Au XVIIe les Hollandais prennent la place comme base de leur trafic. Ils construisent le "Fort Nassau" pour se protéger des attaques françaises et anglaises. Jusqu’à la fin du XVIIe ne vivent ici que des trafiquants et des militaires au milieu d’Africains chargés des tâches subalternes.
La mémoire des murs
C’est à cette époque que s’installent des quartiers bien distincts. Derrière le port vivent les noirs musulmans libres. Au pied de la colline se sont regroupés les riches européens à l’ombre du fort, devenu musée aujourd’hui.
Ce sont ces maisons, en dur et aux toits de tuile, qui aujourd’hui recouvrent l’île. L’abolition de l’esclavage, la création de Dakar ont sonné le glas pour les négriers et la prospérité de Gorée.
De cette époque peu glorieuse il reste aujourd’hui la "Maison des esclaves". Un musée didactique, plutôt bien fait, même si Gorée n’a pas joué un rôle de tout premier plan dans le trafic des noirs. Cette visite est incontournable. En peu de temps le guide explique l’importance stratégique de la place et le mécanisme de la traite des noirs.
Et puis il y a tous ces murs qui parlent. En bas le parcage des esclaves, triés par sexe, soigneusement séparés de leurs ethnies et de leur familles. Les cellules pour les femmes, les enfants, les jeunes vierges (les plus jolies étant réservées aux maîtres) Le mitard pour les récalcitrants.
La case des inaptes temporaires engraissés comme des porcs jusqu’à ce qu’ils atteignent les 60 kg requis pour l’emploi. Au bout du couloir on accède à la sinistre porte du "voyage sans retour". C’est par là qu'étaient jetés les esclaves dans de frêles embarcations avant d’être embarqués pour le continent américain.
Les habitants à la nuit tombée
Le visiteur, généralement, vient ici pour la journée et c'est peut être un tort. L’endroit vaut plus. Il y a là tous les charmes d’une petite île méditerranéenne (en plein Atlantique) réunis autour d’une anse d’eau transparente.
Le soir après le départ du dernier bateau Gorée retrouve sa sérénité. N’hésitez pas à dormir sur place, mais attention il y a très peu de chambres. C’est au coucher de soleil que l’on apprécie le mieux les dernières couleurs et la qualité du silence.